J’ai 17 ans. Je sais gratter trois accords à la guitare. J’anime une émission hebdomadaire sur les ondes de CFRH, ma radio communautaire. Dans la discothèque de la radio, je tombe par pur hasard sur l’album Symbiose. Dès ma première écoute, c’est le coup de foudre. Deux guitaristes virtuoses. Des voix parfaitement agencées en harmonie. Je fais tourner au moins une chanson de l’album toutes les semaines. Je n’ai aucune idée qui est John McGale.

J’ai 23 ans. Il est 2h du matin. Je suis assis sur un banc de parc derrière une boîte à chanson. Je cherche un nouveau guitariste pour mon band. Je suis censé interviewer un candidat. Toyo-McGale viennent de terminer un show du tonnerre. Deux gars sur scène avec leurs guitares dans un bar où pas mal tout le monde est paqueté. La foule ne s’est jamais assise, tellement c’était une injection d’énergie pure et dure. J’ai la chienne. McGale me pose quelques questions. Me dit qu’il aime ma voix et mes mélodies. Dès notre première rencontre, il me fait rire. Il est étonnement tranquille en tête à tête.

Quelques semaines plus tard, on arrive à Sudbury pour jouer à La Nuit sur l’Étang. Je l’accueille à l’entrée des artistes. Je m’étonne devant la quantité de guitares qu’on sort de sa fourgonnette. C’est comme des clowns qui sortent d’une voiture dans un show de cirque. Il m’en passe une. « Try this one. I think it’ll be a good fit. » Il trouve que ma guitare n’est pas à la hauteur. Je suis d’avis que c’est plutôt mon jeu qui pose problème. Il me prête une de ses guitares, à chaque spectacle, pendant des années, le temps que je puisse économiser pour m’en acheter une qui a de l’allure… qu’il m’aide d’ailleurs à magasiner. Il y a aussi un lapin dans la fourgonnette. Son animal de compagnie… notre mascotte dans la loge. Généreux et tendre de cœur, le rocker.

Nous montons un spectacle en duo. Ses chansons, des chansons d’Offenbach, quelques-unes de mes chansons. On répète dans le salon chez sa blonde (l’appart à John est trop petit et trop bondé de guitares et de gear pour qu’on puisse tous les deux s’asseoir avec nos guitares). Jamais je n’ai travaillé aussi fort pour me préparer pour un show de ma vie. Quand on gratte d’un instrument et qu’on doit se tenir aux côtés d’un des véritables maîtres à l’échelle planétaire dudit instrument, sous les phares, pendant deux heures, ça prend un certain effort pour ne pas avoir d’l’air (trop) fou. Je stresse, je sue, pis je travaille. Il me pousse, me coach, m’encourage… fait preuve de beaucoup de patience… et de rigueur. Exigeant à mon égard et envers lui-même. Il joue comme si sa guitare était un instrument de percussion. Il est un métronome. Inébranlable. Il me donne confiance.

Nous roulons vers un show à Rimouski. Des heures de route à jaser de tout, de rien, de nos familles, de nos blondes, du métier de musicien, à écouter de la musique. Quelque part tout près du nombril de nulle part (village serait trop généreux), on passe devant un magasin de musique. Il fait demi-tour. Stationne. Entrer dans un magasin de musique québécois avec McGale, c’est inoubliable. Le temps s’arrête. Il entre dans la place (où il n’a jamais posé les pieds auparavant) comme Norm dans le bar de Cheers. Les gars derrière le comptoir restent figés. « C’est-tu lui? » « C’est lui. » C’est tout juste si leurs mentons ne touchent pas le sol. Il s’installe dans un coin. Il brette un peu avec une guitare. Ne dit pas grand-chose. Le proprio arrive. « Cherchez-vous de quoi en particulier? » « Allo! J’sais pas, man! Qu’est-ce que vous avez?! » « Attendez, j’ai peut-être quelque chose. » Le proprio disparaît dans le rangement. Il revient quelques minutes plus tard avec un objet rouge flash. John : « Oh Ho! ». Chose rare : Il n’a pas acheté cette journée-là. La van était déjà pleine à craquer.

Il héberge chez moi après une répé, la veille d’un spectacle à Ottawa. Je l’invite à souper. Je lui demande de trancher un quelconque légume… devant son air mystifié, je lui demande : « John… do you know how to cook? »… “Bien oui, Eric, of course. Where’s the cereal?” Nous sortons au resto. Il propose qu’on loue un film en soirée. Je l’entends encore rire à se fendre devant Legally Blonde.

On passait de longues périodes sans se voir, sans se parler, et les retrouvailles étaient toujours aussi joyeuses. Je lui demandais combien de guitares il avait dans sa collection (qui ne cessait de prendre de l’expansion au fil des ans) et on se donnait des nouvelles de nos mères. Je garde le souvenir du gros hug d’ours quand il a enfin rencontré ma Maman, d’ailleurs. Deux branches de ma famille (de sang, de scène) qui convergeaient.

Il savait jouer de tout. Un virtuose hors pair, un créateur prolifique. Certes. Sa musique continuera de nous réconforter. Son talent véritable, il me semble, c’était sa capacité de toucher les gens partout sur son passage. Spectacles de salon, méga festivals ou des milliers de fans hurlent ses refrains, gros rock crotté, folk intime, jazz poussé… Tous les prétextes étaient bons pour faire sourire, rire, vibrer… aller droit au cœur. Il donnait de l’énergie à ceux qui en cherchaient… moi-même inclus. Un talent rare.

Qui de mieux qu’un rocker au cœur tendre pour accompagner un jeune folkie un peu trop sérieux pour son propre bien? Avec lui s’envolent 90% de mes meilleures histoires de tournée!

C’était un grand privilège d’avoir pu cheminer un peu à ses côtés.  

Sincères condoléances à sa mère, toute sa famille, ses proches, la gagne d’Offenbach et les autres membres de la famille musicale. Merci John. Adieu. Bon voyage.

Il y a trois ans, je lançais mon dernier album et mon tout nouveau spectacle à Sudbury. Aujourd’hui, après plus de 25 représentations, une trentaine de demandes de subvention, et environ 10 000 km parcourus en tournée, je suis de retour à Sudbury pour un tout autre projet.

J’entame une résidence qui vise la création d’une nouvelle série de chansons…

J’amorce ma démarche par une recherche au Centre franco-ontarien de folklore, qui ont la gentillesse de m’accueillir et de m’appuyer (Merci!!!). Je connais de loin cet organisme depuis environ une vingtaine d’années. Je me souviens d’avoir rédigé une dissertation sur le Centre, et sur le travail de son fondateur – le père Germain Lemieux – alors que j’étais aux études de premier cycle.

À partir de 1947, le père Lemieux voyage de village en village, de maison en maison pour enregistrer des contes, légendes et chansons passées de génération en génération par les francophones de l’Ontario, du Manitoba, de la Gaspésie. Les legs de son travail (enregistrements, notations de chants, etc.) se trouvent au Centre franco-ontarien de folklore… m’en vais fouiller là-dedans.

Ce projet est né il y a environ un an. En jasant avec un ami enseignant, j’apprends que  ses élèves ne connaissent pas les chansons folkloriques traditionnelles… Ces mêmes chansons qui animaient les rassemblements communautaires de ma mémoire à Perkinsfield, Lafontaine et Penetang. Des chansons passées de génération en génération dans nos familles. Je m’interroge sur la chose… Je suis de la 11e génération de ma famille en Ontario… de la première génération d’hommes de ma famille qui savent lire et écrire notre langue maternelle… de la deuxième génération qui connaît l’anglais… Qu’en est-il de la 12e et de la 13e génération? Rares sont ceux qui arrivent à s’entretenir pendant plus que deux minutes avec moi, ou avec leurs parents, en français. Pas étonnant donc que le lien avec la tradition orale de nos aïeux se soit effrité… Puis, je me souviens du père Lemieux. Je me dis que sa vaste banque de contes, légendes et musiques traditionnelles serait une source riche d’inspiration et que je pourrai m’inspirer des thématiques d’autrefois pour écrire de nouvelles chansons…

Une petite recherche internet indique que le père Lemieux se serait rendu un peu partout dans le Nord de l’Ontario, dont près des camps de bucherons vers la fin des années ’40, souhaitant documenter un patrimoine qui était alors bien vivant. Je fais alors un lien personnel avec ce projet… À cette même époque, mon père – comme plusieurs jeunes de ma région – était monté dans le Nord pour travailler au bois l’hiver… serait-ce possible que leurs chemins se soient croisés? Est-ce qu’une des voix sur les vieilles bobines du père Lemieux me serait familière?

Je suis vraiment très heureux de partir en tournée dans le réseau Home routes – Chemin chez nous en Saskatchewan et en Alberta, dès le début avril! Merci d’avance à tous ceux et toutes celles qui m’accueilleront sur mon passage!!

Plus de deux ans après le lancement de mon dernier album, il me semble que cette tournée – on ne peut plus intime – sera une belle façon de boucler l’aventure Le temps d’être heureux.

Ado, j’ai eu la piqure de la musique en assistant à des spectacles intimes dans le club folk à Midland, là où j’ai grandi. En l’espace de 4 ans, alors que j’apprenais moi-même à gratter de la guitare et que j’écrivais mes toutes premières chansons, j’ai assisté à des spectacles de Robert Paquette, James Keelaghan, Don Ross, Fred Eaglesmith et Stephen Fearing… Autant de vrais troubadours, qui partaient sur les routes du Canada raconter leurs histoires en chanson. Ils avaient leur guitare, et plein de choses à dire. Ce fut une période déterminante pour moi, alors chansonnier en herbe. Bien heureux donc de partir pour cette tournée solo, à la rencontre de mes cousins de l’Ouest canadien.

À bientôt, et merci de m’inviter chez vous!

Éric Dubeau lance : Une lettre de mon père

Un vidéoclip intime, émouvant et révélateur de la réalité rurale

Ottawa, le 26 octobre 2016

Éric Dubeau lance aujourd’hui le vidéoclip d’Une lettre de mon père, une pièce à la fois personnelle, émouvante, et où transparait toute la réalité des communautés rurales en Ontario ou ailleurs au Canada.

Une Lettre de mon père, la chanson

Éric Dubeau nous amène à contempler le nouveau visage du village qui l’a vu naître.

À travers les yeux et la plume de son père, qui lui dépeint la réalité actuelle du lieu où il a grandi, on plonge dès les premiers mots dans l’intimité de l’auteur-compositeur-interprète. Entre un récit rempli d’authenticité et de nostalgie, et une mélodie qui évoque les souvenirs et bons moments vécus, on se laisse rapidement transporter par le refrain émouvant et la poésie du texte.

Dépeuplement des petites communautés

Villages qui se vident peu à peu, écoles qui ferment et paysages d’enfance qui disparaissent… C’est aussi toute la réalité de l’exode rural, qu’évoque le vidéoclip de la chanson Une lettre de mon père. Si le Canada était principalement rural il y a quelques décennies encore, beaucoup de communautés sont aujourd’hui confrontées à de véritables changements de décor.

Il y a bien sûr un aspect très personnel dans cette chanson, j’évoque les lieux où j’ai grandi et qui n’existent, aujourd’hui, que dans mes souvenirs d’enfance. Qu’on vienne de Perkinsfield, du grand Nord, d’un petit village du Manitoba ou de la Saskatchewan, c’est une réalité à laquelle on est souvent confronté quand on retourne chez soi”, confie Éric Dubeau.

La réalisation et le tournage du vidéoclip


Tourné à Perkinsfield, à la croisée des chemins du village où jouait l’artiste quand il était enfant et sur les rives la Baie où il a appris à nager, le vidéoclip dresse un portrait où l’authenticité et la simplicité des plans mettent en lumière le récit et absorbent le spectateur. On ressent aisément la sensibilité et la nostalgie qui se dégagent de la pièce musicale. À travers le rythme des images, Raphaëlle Mercier, à la réalisation, porte un regard aussi poétique que les mots choisis par l’auteur-compositeur-interprète.

Une lettre de mon père sur Youtube, sur Viméo

Éric Dubeau sera en spectacle à Sudbury le samedi 29 octobre, au Collège Boréal, à Sudbury.

www.ericdubeau.com

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36 Mille

Mathilde Hountchégnon

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Je suis tellement fier d’avoir eu l’occasion de participer en tant que formateur et artiste invité à l’édition 2016 de Rond Point.

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J’ai fait la finale de ce qui s’appelait alors Ontario Pop à deux reprises, quand j’avais 17 et 18 ans. Nous étions 8 finalistes à l’époque, dans le cadre d’un événement produit avec beaucoup de pompe (et un budget qui a dû être hallucinant) dans la grande salle du CNA. Deux semaines de formation et de mentorat avec des artistes chevronnées comme Laurence Jalbert, Daniel Lavoie, Robert Paquette, Gaston Mandeville, Claire Duguay, Hélène Ouellette, Micheline Scott, Luc Gilbert (responsable des arrangements de Hélène de Roch Voisine) et Christian Dente – un grand metteur en scène français, spécialisé en chanson et un des fondateurs de la Manufacture Chanson à Paris. J’ignore combien d’employés de la SRC travaillaient alors sur cette production, mais je sais que depuis, une fois ou deux par année, je croise un tec de son ou un caméraman qui m’en parle encore. Ces deux cuvées d’Ontario Pop étaient bourrées de talent… Danielle Aubut, Léonard Constant, Annie Berthiaume, Marc Beaulieu, Véronic Dicaire, François Labelle… tous ont fait carrière en chanson. À l’époque, nous étions en mode focus pour le spectacle de la finale. L’événement avait un aspect compétitif qui nous rendait anxieux… aujourd’hui, ça me semble artificiel, et contraire aux réalités de la confrérie de la musique.

Pas de compétition cette année. Juste un groupe de jeunes gens brillants, bourrés de talent et de rêves. J’ai eu l’occasion de les accompagner par une série d’ateliers d’écriture. On s’est rencontré en tête à tête pour parler de leur pratique artistique et pour approfondir sur quelques-unes de leurs chansons. C’était un réel privilège d’échanger avec chacun et chacune. C’était aussi super le fun de les voir monter sur les planches et vivre le trip d’un spectacle collectif. Mon conseil pour le public franco-ontarien? Souvenez-vous des Solliloques, de Brandon Girouard, de Kimya et de Roxanne Dubé. Je nous souhaite de les revoir sur scène et d’entendre leurs chansons à la radio pendant des années. LancementRondPoint_p_038

Pour ma part, j’avoue, c’était aussi un véritable plaisir de monter sur la scénette et d’offrir un show avec Dubo band en fin de soirée.

On a tripé de pouvoir, enfin, partager ce spectacle avec les gens d’Ottawa. J’étais fier, aussi, que le Band – mes monstres musicaux préférés – prenne le temps de rendre hommage à Prince, pendant ce spectacle. Je devine que cette soirée sera mémorable pour plusieurs de ceux qui étaient dans la salle comble à La Nouvelle Scène, aussi bien que pour moi. Merci à Shawn Sasyniuk, Sarah Bradley, Scott Aultman, Eric Treleaven et Sam Depatie d’accepter de faire de la musique avec moi encore une fois. (Et un gros merci à Joel Ducharme pour ses belles photos des cette belle soirée!)LancementRondPoint_071

J’avais 16 ans. Je roulais, passager dans une Toyota Tercel rouge avec plus de 300 000 km à l’odomètre, vers ma première session d’enregistrement. Nous avancions vers Stoney Creek, Highland Studios, là où Lanoie enregistrait souvent, et où Sarah MacLaughlin venait de terminer une session. Mon chauffeur était mon réalisateur, et aussi mon prof de musique à l’école secondaire Le Caron, Neil Lefaive. Neil a accompagné et réalisé toute une trollé d’artistes franco-ontariens au fil des ans, et tout comme En bref, les Chaises Musicales, et Damien Robitaille, je lui dois mes débuts dans le milieu professionnel de la chanson. Nous roulions dans la nuit à toute vitesse (Neil avait le pied un peu pesant). Pour nous rendre à Stoney Creek, nous avons traversé Hamilton, et sommes passés par Hamilton Mountain. C’est là, en voyant les lumières de cette ville ouvrière qui s’étalaient devant moi, en roulant vers un avenir incertain, mais prometteur, que l’image au cœur de cette chanson m’est venue pour la première fois.

Cette chanson a été porteuse pour moi à plusieurs égards. Nous l’avons enregistrée – chez Brent Robitaille – alors que je débutais mes études universitaires. L’enregistrement figurait sur l’album compilation Pleine Lune, qui s’est largement vendue en Ontario, et qui a beaucoup été diffusé en milieu scolaire. L’APCM, distributeur de cette compilation, avait produit un cahier pédagogique en appui au disque, réalisé par l’artiste-éducateur talentueux François Viau. Des centaines d’enseignants ont intégré cet outil à leurs plans de cours et ainsi, des élèves partout en province ont entendu ma petite chanson et complété le mot croisé qui servait d’appui éducatif.

Ce dont je me souviens le plus de cette chanson, c’est d’avoir complété l’enregistrement d’une version à toute vitesse, afin de respecter la date butoir pour la soumission des pistes pour l’album compilation. Compte tenu des délais, nous n’avions pas le temps d’entrer dans un « vrai » studio pour enregistrer la pièce. Nous avons donc ajouté des pistes vocales et de violoncelle à une base instrumentale que nous avions déjà en main… Pour ce faire, vu le petit studio improvisé auquel nous avions alors accès, je devais me tenir à l’extérieur de la maison, tout prêt de la fenêtre du studio, pour chanter dehors en même temps que le guitariste enregistrait sa piste à l’intérieur. Je me souviens qu’il faisait froid à Penetang, ce soir-là.

Depuis plusieurs années, c’est la chanson qui termine mes spectacles. J’aime bien terminer la soirée en partageant avec le public ce rêve né dès mes touts débuts…

Le samedi matin, tout au long de mon adolescence, je jouais aux quilles. C’était ma sortie « sportive » et sociale hebdomadaire. Derrière la salle de quilles se trouvaient un centre d’employabilité, un Tim Horton’s, une boutique porno et les pistes de l’ancienne voie ferrée. Autrefois, celle-ci liait le port de Midland aux usines de Toronto. Un jour, ayant terminé ma sortie sociale habituelle, j’ai remarqué une pile de pierres tout près de la voie ferrée. Des entrepreneurs anonymes allaient bientôt initier un nouveau projet de construction quelconque. Avant de débuter, ils avaient empilé du gravier. La petite montagne faisait peut-être 40 ou 50 pieds de hauteur. C’est l’image à l’origine de cette chanson. Une montagne de pierres qu’on ne pourrait transporter, puisque le train qui servait de connexion entre ce village et le monde extérieur ne passe plus.

Dans ma tête, cette image témoignait de ce qui advient aux endroits et aux gens qui sont délaissés et dépassés par le temps. Ce que d’autres percevraient comme étant le « progrès ». Dans cette chanson, un vieillard qui – lorsqu’il était enfant – courrait le long des trains rêve de retrouver l’énergie et la liberté de sa jeunesse. Cette chanson me rappelle la Louisiane, curieusement. J’ai fait une petite tournée en Louisiane il y a quelques années. On jouait dans un bar cajun, le réputé Randol’s à Lafayette. Je venais de vivre ma première aventure avec des crawfish. On avait emprunté le kit de batterie du Jambalaya Cajun Band. Mon guitariste de l’époque aurait souhaité qu’on joue une balade écrite pour une fille de Barrie qui ne s’intéressait pas du tout à moi! Bien qu’il avait certainement raison qu’une chanson en français aurait bien passée auprès de nos cousins cajuns, je voulais une toune qui permettait de garder l’énergie qui remplissait la place. Je garde encore le souvenir de cette salle pleine à craquer, où tout le monde dansait sur une de mes chansons! Ce fut une excellente soirée de fête, et nul doute que jeunes et moins jeunes en sont sorties avec un renouveau d’énergie! Ce fut certainement le cas pour moi et les gars du band!

Je travaillais avec mon ami Brent Robitaille depuis un certain temps déjà et il m’accompagnait souvent lors de spectacles partout en Ontario. Brent est non seulement un guitariste virtuose, mais aussi un compositeur de formation classique extrêmement prolifique. À cette époque, j’avais déjà enregistré plusieurs pièces, et avait lancé mon premier EP (sur K7… j’suis vieux de même!), mais n’avais pas encore lancé d’album.

J’écrivais continuellement. De fait, avant d’enregistrer mes premières compositions en français, j’avais déjà terminé l’écriture de tout un album en anglais. Toutefois, bien que ma vie d’ado générait des ballades mélancoliques en quantité industrielle, mon répertoire comptait peu de chansons qui feraient lever une foule. Brent me proposa de signer des textes sur quelques-unes de ses musiques. Tellement de gens marquaient une première tentative en ce sens. Il avait conçu une structure harmonique, enregistré à l’aide d’un petit studio maison. J’ai écouté l’enregistrement de cette progression d’accords à des milliers de reprises pour inventer une mélodie et pondre des paroles… en anglais! Au premier jet, cette chanson s’appelait « Searching for Love ».

J’arrivais de ma première participation à la finale d’Ontario Pop. Les finalistes, venus de partout en Ontario se rendaient à Ottawa pour deux semaines de formation suivie d’un spectacle collectif au Centre National des Arts. Moi qui avais à peine 16 ans, et qui étais à peine sortit de mon village natal auparavant, voilà que je me suis trouvé logé au Lord Elgin, un hôtel chic au plein centre-ville de la capitale. Il y avait plus de gens sur mon étage de l’hôtel que dans tout mon petit village de Perkinsfield.

Ma participation à ce concours m’a permis de rencontrer Gaston Mandeville et de partager une scène avec Laurence Jalbert… Le tout généreusement financé par la Société Radio-Canada. À mon arrivée à Ottawa, la SRC me remet un chèque qui devait couvrir mes per diem pendant les deux prochaines semaines. Petit cul que j’étais, je n’avais même pas de compte en banque – sinon celui au nom de ma mère, à la Caisse Populaire de Perkinsfield. Je n’ai donc pas pu déposer le chèque avant une semaine plus tard. Heureusement que mes co-finalistes ont eu pitié du cadet de la cohorte. Sinon, je n’aurais pas toughé 48 heures.) Bref, une expérience pleine de premières, et riche d’apprentissages.

Ce voyage marquait aussi ma première rencontre avec des mendiants. En milieu rural, on connaissait la pauvreté, mais jamais on n’aurait imaginé que des gens soient obligés de dormir dehors, ou de subir la faim au quotidien. C’est à mon arrivée au CNA, le premier jour des répétitions pour notre spectacle collectif, qu’un colporteur me demanda de l’aide pour la première fois. Je me suis vidé les poches. Sans le savoir, il m’avait fourni la base d’une chanson que j’aime encore, malgré tous ses défauts.

J’avais peut-être 13 ans. Ma Tante Cécile offrait un magnifique album en cadeau à mon père. Cet album regroupait de vieilles photos de famille (mon père tout jeune, parmi ses frères et sœurs, entre autres), un arbre généalogique, des photos centenaires de Perkinsfield, le village où j’ai grandi, quelques coupures des journaux communautaires et une série de lettres que mes grands-parents avaient échangées alors qu’ils se faisaient la court. À l’époque, Pépère était allé travailler dans l’Ouest (en Saskatchewan puis en Alberta). Ma grand-mère lui envoyait de longues missives, et il répondait avec beaucoup de tendresse… du moins, quelqu’un au camp à qui il confiait la responsabilité de rédiger ces lettres le faisait – car Pépère n’aurait pas su lui-même écrire une page complète. Leur échange épistolaire était chargé de passion. Je me souviens que mes parents avaient été légèrement scandalisés du ton sur lequel les jeunes amants s’écrivaient. Maman avait tout de même installé ce magnifique recueil sur un petit bureau, à l’entrée de la maison familiale, de sorte que la famille puisse le feuilleter au passage.

Nombreuses sont les familles qui comptent quelqu’un qui est passionné de la généalogie. Quelqu’un qui consacre d’innombrables heures à retracer la lignée, à remonter dans le temps pour suivre l’évolution familiale de génération en génération. Chez nous, c’était ma Tante Cécile. Elle était une femme d’une générosité remarquable. De ma naissance jusqu’à sa mort, jamais un Noël ni un anniversaire ne passaient sans une carte et un cadeau de sa part. Mais j’étais loin d’être son petit préféré ou de faire exception… Elle en faisait autant pour chaque neveu et nièce, et pour chacun de leurs enfants, aussi. Vu la taille de notre famille, typiquement canadienne-française, elle devait emballer un cadeau tous les jours de l’année, ou presque! Elle était notre première référence en matière de généalogie et nous fournissait régulièrement des cahiers chargés de documents historiques. Grâce à elle, j’en ai appris pas mal sur mes aïeux, disparus bien avant mon entrée dans ce monde.

Elle était aussi une fenêtre ouverte sur le monde au-delà de mon petit village. Tante Cécile voyageait souvent, et dans des coins du monde plutôt exotiques à mes yeux… Elle était aussi le pole rassembleur de notre famille. Après la messe, le dimanche, c’était souvent chez elle que le clan se réunissait. C’est d’ailleurs lors d’un de mes nombreux passages chez elle, alors que j’étais encore tout petit, que j’ai remarqué des photos d’enfants, des notes et des dessins, aimantés sur son frigo. En plus de veiller sur une trôlée de petits Dubeau, Ma Tante Cécile était aussi marraine de nombreux enfants à l’étranger. Elle, qui avait longtemps été sœur religieuse, avait toujours gardé un sens de la charité. Puis, je pense qu’en quelque sorte, nous étions tous ses enfants adoptifs.

Les albums qu’elle a montés et offerts en cadeau sont des reliquaires précieux. Le fruit d’un travail de recherche assidu et de longue haleine. Ce sont des legs importants qui recèlent des petits trésors familiaux. À bien y penser, il me semble que son travail généalogique s’inscrit dans la continuité d’une oralité profondément enracinée dans ma famille et ma région natale… Je me souviens qu’à plusieurs reprises, alors que je travaillais aux côtés de mon père dans le cimetière paroissial, il me racontait les exploits de l’un ou de l’autre de ceux qu’il avait connu et qui reposaient désormais sous la terre. Papa, qui savait ni lire ni écrire, savait que chaque pierre marquait une vie qui avait touché des gens, et dont le souvenir finirait par se perdre. En feuilletant les pages de l’album que ma Tante Cécile lui a offert en cadeau, j’ai compris que chacune de nos vies est vouée à l’oubli. Tout ce qu’on peut espérer, il me semble, c’est d’avoir laissé quelques traces… vivantes, écrites, éphémères, pour marquer notre passage.

J’aurai à peine posé les pieds au Canada qu’il sera temps de reprendre la route pour une couple de spectacles dans la ville reine. Toronto : I’m talking to you! Si jamais vous avez le goût de veiller tard, Shawn Sasyniuk me prêtera main forte pour présenter deux prestations pour les couches tard! Je ferai partie d’une belle brochette d’artistes franco-ontariens en spectacle dans le cadre de la conférence Folk Music Ontario… venez nous voir et nous aider à montrer que pour le folk francophone, c’est chez nous que ça se passe!

Later this week, when I’ll have just freshly returned to Canada, I’ll be performing a couple of late shows in Toronto. Stay up late next weekend and join my compadre Shawn Sasyniuk and me when we present a duo show for the good people at the Folk Music Ontario Conference. I’ll be part of a great lineup of Franco artists showcasing throughout the weekend! For those of you who’ve always wanted to hear me sing up close and personal, in a hotel room, here’s your chance! I just might wear my robe and slippers!

Chambre 341, Westin Bristol Place Toronto

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