Ma tante préférée s’appelait Thelma : « T ». Elle habitait à Toronto, et on se voyait quelques fois l’an. Elle me gâtait, évidemment ! Ce dont je me souviens le plus, c’est à quel point elle aimait rire. Quand elle était de passage chez-nous, la maison était remplie de bonheur.
À une époque de mon enfance, j’avais pris l’habitude de feindre un malaise à l’école, afin qu’on m’excuse des classes. (J’en profite pour m’excuser, 30 ans plus tard, auprès de Mlle Belcourt, Mme Gagnée, Mme Mellish, Monsieur Robitaille, Mme Maheu et tout autre adulte qui a témoigné de mes piètres efforts théâtreux). Le protocole à l’époque tenait à placer l’élève malade dans l’antichambre de la bibliothèque de l’école et de le laisser se reposer. De temps à autre, la réception passait jeter un coup d’œil. Sinon, on me laissait tranquille, ce qui soulageait mes tendances un peu antisociales. Bien que la bibliothèque de ma petite école était plutôt modeste, elle comptait beaucoup plus de livres que mon foyer familial. Aux yeux d’un enfant qui aimait bouquiner, une journée passée au lit à feuilleter les pages d’un nouveau livre constituait un séjour au septième ciel. Je passais des heures à lire silencieusement. Quand un adulte approchait de la porte d’entrée, je cachais mon livre de prédilection et prétendais dormir.
Un jour, j’entreprenais ma démarche habituelle en feignant un mal de tête. À peine installé dans la bibliothèque, on m’informa que mon père passerait bientôt me cueillir. En premier, ce que j’ai remarqué de curieux, c’est que mon père était venu me chercher en chauffant la voiture de ma mère, alors qu’elle devait déjà être à l’ouvrage. Mon incompréhension devait être encore plus grande quand on pris la route sans que mon père me dise un seul mot. Ce n’était pas comme lui. En entrant à la maison, ma mère nous attendait. C’était bizarre qu’elle soit chez-nous. C’est elle qui m’expliqua que ma tante T était morte subitement. C’était ma première expérience de la mort, et elle me marquerait à jamais.
Quelques années plus tard, pour des raisons qui m’échappent encore, j’ai commencé à écrire des chansons alors que nous visitions ma sœur au chalet, au nord du Lac Huron. J’ai commencé à fredonner dans le char, en revenant du chalet. Pendant le trajet, j’ai complété mes trois premières chansons, dont Je me souviens de toi. C’est la première chanson que j’ai enregistrée.