D’Ottawa à Frankfort, de Frankfort à Munich, de Munich à Madrid. Cette longue marche débute par de nombreux détours… Passer la nuit blanche pour mieux voir le soleil se lever sur l’Allemagne, ça vaut la peine.

J’ai hâte de retrouver les visages des amis Dubien et Aouad, chez qui je passerai les prochains jours… Un interlude avant d’entreprendre la pièce principale. Hâte de retrouver leur chambre d’invités aussi! Malgré mes antécédants de voyageur, je peine encore à dormir en avion… Je ne souffre malheureusement pas du même défi en ce qui a trait à l’allimentation. J’en suis à mon troisième petit déjeuner en 5 heures, chacun plus copieux que le dernier. Mettons que, pour l’instant, ce voyage n’a rien de très rude… Mais bon, ça viendra, une fois le sac sur le dos. Je traverse l’océan avec une valise que j’aurai à refaire et à alléger pour mieux profiter du trajet.

Question du jour: où peut-on acheter des flips flops à Madrid? Leçon du jour: le fromage Européen, sous toutes ses formes, n’a rien à voir avec le plastique pasteurisé de l’Amérique! Faudra savourer ça, tout comme la vue du Mont Blanc par ma fenêtre.

camino_01Cet automne, j’entreprendrai un projet personnel et artistique important, que je prépare depuis plus d’un an déjà. Je marcherai le Camino, vers Santiago de Compostelle.

Quelques faits saillants: entre 32 et 40 jours de marche, environ 800 km, en partance de St-Jean-Pied-de-Port en France, jusqu’à Santiago.

Depuis quelques mois, j’ai partagé mes intentions par rapport à ce projet avec plusieurs. Nombreux sont ceux qui ont été enthousiasmés par l’idée, et intimidé par la réalité, imposante, de ce périple. Je tâcherai, par ces billets, de partager le fruit de mon expérience avec ceux qui m’ont encouragé, ou qui pourraient s’y intéresser.

La question qu’on m’a posée le plus souvent: pourquoi? D’où est venue l’idée de prendre la route? Je ne me souviens plus tout à fait du moment quand cette idée est premièrement née dans mon imaginaire. Ce que je sais, c’est que je cherchais une expérience autre que celle de la frénezie Nord Américaine. J’épprouvais le besoin de prendre de l’air et de reprendre mon souffle. Je cherchais à vivre autre chose que la course humaine qui m’a passionnée et accaparrée depuis la dernière décenie. Puis, j’ai lû un bouquin sur ce sentier, cette marche qui traverse l’Espagne et qui lie les péllerins avec des centaines de milliers de leurs prédécesseurs, depuis des siècles. Cette idée, de partir à pied, m’a tout à fait captivée. Je me suis sentis directement interpellé. À partir de ce moment, j’ai pris une série de décisions afin de pouvoir entreprendre ce périple. Le voyage s’imposait et me passionait de plus en plus. De nombreux défis m’attendent: physique, psychologique, financiers, émotifs… Et je suis confiant que j’arriverai à les surmonter. Pourquoi? D’une part, depuis des mois déjà, à chaque fois que le doute commençait à s’installer sur le bien fondé de mon projet, j’ai croisé quelqu’un qui a sû me motiver à nouveau. Comme par hasard, à chaque fois que j’avais une question, j’ai croisé quelqu’un qui avait une réponse ou un conseil à m’offrir. Des voix complètement innatendues et inespérées m’ont guidé sur mon chemin. C’est  merveilleux, inspirant et rassurant. Merci aux nombreux amis qui m’ont prêtté mains forte depuis plusieurs mois. Et merci à la vie de l’opportunité! Je quitte le Canada aujourd’hui avec beaucoup d’anticipation et de fébrilité. Puis, je me dis que la vie est une démarche…Un chemin qu’on gagne à longer. Le simple fait d’entreprendre ce projet, sans même avoir posé un pied sur le sentier, aura déjà été une des plus belles aventures de ma vie. Et voilà l’essentiel: que je me rende à Santiago ou non, c’est la démarche qui prime, non pas la destination. Voyons voir jusqu’où mènera le chemin.

Ma tante préférée s’appelait Thelma : « T ». Elle habitait à Toronto, et on se voyait quelques fois l’an. Elle me gâtait, évidemment ! Ce dont je me souviens le plus, c’est à quel point elle aimait rire. Quand elle était de passage chez-nous, la maison était remplie de bonheur.

À une époque de mon enfance, j’avais pris l’habitude de feindre un malaise à l’école, afin qu’on m’excuse des classes. (J’en profite pour m’excuser, 30 ans plus tard, auprès de Mlle Belcourt, Mme Gagnée, Mme Mellish, Monsieur Robitaille, Mme Maheu et tout autre adulte qui a témoigné de mes piètres efforts théâtreux). Le protocole à l’époque tenait à placer l’élève malade dans l’antichambre de la bibliothèque de l’école et de le laisser se reposer. De temps à autre, la réception passait jeter un coup d’œil. Sinon, on me laissait tranquille, ce qui soulageait mes tendances un peu antisociales. Bien que la bibliothèque de ma petite école était plutôt modeste, elle comptait beaucoup plus de livres que mon foyer familial. Aux yeux d’un enfant qui aimait bouquiner, une journée passée au lit à feuilleter les pages d’un nouveau livre constituait un séjour au septième ciel. Je passais des heures à lire silencieusement. Quand un adulte approchait de la porte d’entrée, je cachais mon livre de prédilection et prétendais dormir.

Un jour, j’entreprenais ma démarche habituelle en feignant un mal de tête. À peine installé dans la bibliothèque, on m’informa que mon père passerait bientôt me cueillir. En premier, ce que j’ai remarqué de curieux, c’est que mon père était venu me chercher en chauffant la voiture de ma mère, alors qu’elle devait déjà être à l’ouvrage. Mon incompréhension devait être encore plus grande quand on pris la route sans que mon père me dise un seul mot. Ce n’était pas comme lui. En entrant à la maison, ma mère nous attendait. C’était bizarre qu’elle soit chez-nous. C’est elle qui m’expliqua que ma tante T était morte subitement. C’était ma première expérience de la mort, et elle me marquerait à jamais.

Quelques années plus tard, pour des raisons qui m’échappent encore, j’ai commencé à écrire des chansons alors que nous visitions ma sœur au chalet, au nord du Lac Huron. J’ai commencé à fredonner dans le char, en revenant du chalet. Pendant le trajet, j’ai complété mes trois premières chansons, dont Je me souviens de toi. C’est la première chanson que j’ai enregistrée.

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Ça fait drôle d’entreprendre l’écriture de cette série de textes par cette chanson. Bien qu’elle était la première pièce de mon premier album, elle était la dernière chanson écrite pour ce disque et une des dernières que nous avons enregistrée. De fait, c’était loin d’être ma première chanson ou même mon premier enregistrement…

À l’époque, je vivais une vague importante de nostalgie. Je venais d’entamer mes études à l’Université d’Ottawa. J’étais loin de ma famille et de mon village pour la première fois. Le jour de mon départ du foyer familial, on devait se lever très tôt afin de mieux faire la longue route entre Perkinsfield et Ottawa, qui mènerait vers ma nouvelle vie. Ce matin là, avant le départ, j’ai trouvé quelques instants pour me recueillir et pour penser à tout ce que je laisserais bientôt derrière moi. La brume se levait sur les champs. Deux décennies plus tard, je chérie encore le souvenir de ce moment de solitude et de réflexion. C’était la première germe de Par chez nous.

Je voulais que cette chanson rende hommage à la magie de la place où j’ai grandi. Aux lieux qui étaient sacrés à mes yeux : le village, la baie, etc. C’est une chanson terriblement naïve… je le reconnait ouvertement! Certaines des images me semblent encore belles, et réussissent à rendre la beauté de l’eau, notamment. Je connaissais alors les rythmes de cette place, et c’est une connexion qui m’habite encore. Je devine que plusieurs gens partagent aussi cette compréhension et cette affection profonde pour leur patelin.

Je l’avoue, j’ai un peu honte du refrain. La maladresse de ma première chanson identitaire m’étonne. Mais je demeure fier de ma tentative d’agencement de la poésie et de la musique. C’est une tentative de poème musical plutôt qu’une chanson au sens propre, il me semble. Fier aussi d’avoir documenté mon attachement à cet endroit qui me tient encore à cœur aujourd’hui, bien qu’il a beaucoup changé – et moi aussi – au fil des ans.

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J’ai commencé à écrire des chansons quand j’avais environ 14 ans. Depuis, plusieurs centaines ont vu le jour et près d’une quarantaine ont été endisqué. Chacune est unique, et témoigne d’un moment, d’un endroit, d’une expérience, d’une personne qui me tient à cœur. J’arrive difficilement à façonner des chansons à partir d’une idée ou d’une thématique abstraite, sans l’ancrer d’une façon ou d’une autre, dans mon vécu. En spectacle, j’ai souvent partagé des bouts et des bribes d’anecdotes en appui aux chansons et j’ai parfois fait un petit clin d’œil quant aux origines de la chanson, sans pour autant nommer mes muses…

Cette série de billets partagera l’histoire derrière chacune des chansons que j’ai enregistré au fil des ans. Vous trouverez peut-être ça touchant, divertissant, quétaine, de trop… qui sait. À mes yeux, c’est une façon de partager ma démarche et de faire un retour sur le chemin parcouru. C’est aussi une façon de documenter l’origine et l’évolution de ces chansons qui me tiennent tellement à cœur. J’espère que ça viendra complémenter notre connexion autour d’une chanson que vous aurez entendue.