Je travaillais avec mon ami Brent Robitaille depuis un certain temps déjà et il m’accompagnait souvent lors de spectacles partout en Ontario. Brent est non seulement un guitariste virtuose, mais aussi un compositeur de formation classique extrêmement prolifique. À cette époque, j’avais déjà enregistré plusieurs pièces, et avait lancé mon premier EP (sur K7… j’suis vieux de même!), mais n’avais pas encore lancé d’album.

J’écrivais continuellement. De fait, avant d’enregistrer mes premières compositions en français, j’avais déjà terminé l’écriture de tout un album en anglais. Toutefois, bien que ma vie d’ado générait des ballades mélancoliques en quantité industrielle, mon répertoire comptait peu de chansons qui feraient lever une foule. Brent me proposa de signer des textes sur quelques-unes de ses musiques. Tellement de gens marquaient une première tentative en ce sens. Il avait conçu une structure harmonique, enregistré à l’aide d’un petit studio maison. J’ai écouté l’enregistrement de cette progression d’accords à des milliers de reprises pour inventer une mélodie et pondre des paroles… en anglais! Au premier jet, cette chanson s’appelait « Searching for Love ».

J’arrivais de ma première participation à la finale d’Ontario Pop. Les finalistes, venus de partout en Ontario se rendaient à Ottawa pour deux semaines de formation suivie d’un spectacle collectif au Centre National des Arts. Moi qui avais à peine 16 ans, et qui étais à peine sortit de mon village natal auparavant, voilà que je me suis trouvé logé au Lord Elgin, un hôtel chic au plein centre-ville de la capitale. Il y avait plus de gens sur mon étage de l’hôtel que dans tout mon petit village de Perkinsfield.

Ma participation à ce concours m’a permis de rencontrer Gaston Mandeville et de partager une scène avec Laurence Jalbert… Le tout généreusement financé par la Société Radio-Canada. À mon arrivée à Ottawa, la SRC me remet un chèque qui devait couvrir mes per diem pendant les deux prochaines semaines. Petit cul que j’étais, je n’avais même pas de compte en banque – sinon celui au nom de ma mère, à la Caisse Populaire de Perkinsfield. Je n’ai donc pas pu déposer le chèque avant une semaine plus tard. Heureusement que mes co-finalistes ont eu pitié du cadet de la cohorte. Sinon, je n’aurais pas toughé 48 heures.) Bref, une expérience pleine de premières, et riche d’apprentissages.

Ce voyage marquait aussi ma première rencontre avec des mendiants. En milieu rural, on connaissait la pauvreté, mais jamais on n’aurait imaginé que des gens soient obligés de dormir dehors, ou de subir la faim au quotidien. C’est à mon arrivée au CNA, le premier jour des répétitions pour notre spectacle collectif, qu’un colporteur me demanda de l’aide pour la première fois. Je me suis vidé les poches. Sans le savoir, il m’avait fourni la base d’une chanson que j’aime encore, malgré tous ses défauts.

J’avais peut-être 13 ans. Ma Tante Cécile offrait un magnifique album en cadeau à mon père. Cet album regroupait de vieilles photos de famille (mon père tout jeune, parmi ses frères et sœurs, entre autres), un arbre généalogique, des photos centenaires de Perkinsfield, le village où j’ai grandi, quelques coupures des journaux communautaires et une série de lettres que mes grands-parents avaient échangées alors qu’ils se faisaient la court. À l’époque, Pépère était allé travailler dans l’Ouest (en Saskatchewan puis en Alberta). Ma grand-mère lui envoyait de longues missives, et il répondait avec beaucoup de tendresse… du moins, quelqu’un au camp à qui il confiait la responsabilité de rédiger ces lettres le faisait – car Pépère n’aurait pas su lui-même écrire une page complète. Leur échange épistolaire était chargé de passion. Je me souviens que mes parents avaient été légèrement scandalisés du ton sur lequel les jeunes amants s’écrivaient. Maman avait tout de même installé ce magnifique recueil sur un petit bureau, à l’entrée de la maison familiale, de sorte que la famille puisse le feuilleter au passage.

Nombreuses sont les familles qui comptent quelqu’un qui est passionné de la généalogie. Quelqu’un qui consacre d’innombrables heures à retracer la lignée, à remonter dans le temps pour suivre l’évolution familiale de génération en génération. Chez nous, c’était ma Tante Cécile. Elle était une femme d’une générosité remarquable. De ma naissance jusqu’à sa mort, jamais un Noël ni un anniversaire ne passaient sans une carte et un cadeau de sa part. Mais j’étais loin d’être son petit préféré ou de faire exception… Elle en faisait autant pour chaque neveu et nièce, et pour chacun de leurs enfants, aussi. Vu la taille de notre famille, typiquement canadienne-française, elle devait emballer un cadeau tous les jours de l’année, ou presque! Elle était notre première référence en matière de généalogie et nous fournissait régulièrement des cahiers chargés de documents historiques. Grâce à elle, j’en ai appris pas mal sur mes aïeux, disparus bien avant mon entrée dans ce monde.

Elle était aussi une fenêtre ouverte sur le monde au-delà de mon petit village. Tante Cécile voyageait souvent, et dans des coins du monde plutôt exotiques à mes yeux… Elle était aussi le pole rassembleur de notre famille. Après la messe, le dimanche, c’était souvent chez elle que le clan se réunissait. C’est d’ailleurs lors d’un de mes nombreux passages chez elle, alors que j’étais encore tout petit, que j’ai remarqué des photos d’enfants, des notes et des dessins, aimantés sur son frigo. En plus de veiller sur une trôlée de petits Dubeau, Ma Tante Cécile était aussi marraine de nombreux enfants à l’étranger. Elle, qui avait longtemps été sœur religieuse, avait toujours gardé un sens de la charité. Puis, je pense qu’en quelque sorte, nous étions tous ses enfants adoptifs.

Les albums qu’elle a montés et offerts en cadeau sont des reliquaires précieux. Le fruit d’un travail de recherche assidu et de longue haleine. Ce sont des legs importants qui recèlent des petits trésors familiaux. À bien y penser, il me semble que son travail généalogique s’inscrit dans la continuité d’une oralité profondément enracinée dans ma famille et ma région natale… Je me souviens qu’à plusieurs reprises, alors que je travaillais aux côtés de mon père dans le cimetière paroissial, il me racontait les exploits de l’un ou de l’autre de ceux qu’il avait connu et qui reposaient désormais sous la terre. Papa, qui savait ni lire ni écrire, savait que chaque pierre marquait une vie qui avait touché des gens, et dont le souvenir finirait par se perdre. En feuilletant les pages de l’album que ma Tante Cécile lui a offert en cadeau, j’ai compris que chacune de nos vies est vouée à l’oubli. Tout ce qu’on peut espérer, il me semble, c’est d’avoir laissé quelques traces… vivantes, écrites, éphémères, pour marquer notre passage.

J’aurai à peine posé les pieds au Canada qu’il sera temps de reprendre la route pour une couple de spectacles dans la ville reine. Toronto : I’m talking to you! Si jamais vous avez le goût de veiller tard, Shawn Sasyniuk me prêtera main forte pour présenter deux prestations pour les couches tard! Je ferai partie d’une belle brochette d’artistes franco-ontariens en spectacle dans le cadre de la conférence Folk Music Ontario… venez nous voir et nous aider à montrer que pour le folk francophone, c’est chez nous que ça se passe!

Later this week, when I’ll have just freshly returned to Canada, I’ll be performing a couple of late shows in Toronto. Stay up late next weekend and join my compadre Shawn Sasyniuk and me when we present a duo show for the good people at the Folk Music Ontario Conference. I’ll be part of a great lineup of Franco artists showcasing throughout the weekend! For those of you who’ve always wanted to hear me sing up close and personal, in a hotel room, here’s your chance! I just might wear my robe and slippers!

Chambre 341, Westin Bristol Place Toronto

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www.apcm.ca

www.folkmusicontario.ca

La première de mes chansons écrites à partir d’une série d’accords que j’ai moi-même grattées à la guitare. Il me semble que je ressens encore le bois du banc sur lequel je m’étais installé dans la salle de musique de mon école secondaire, où j’ai passé des heures avant de trouver la structure harmonique de cette chanson.

Je venais de découvrir le fingerpicking… c’était une technique qui me semblait révolutionnaire, et qu’aucun de mes camarades de l’époque ne maitrisait! Cette technique a été la base de mon apprentissage de jeu à la guitare. Je cherchais une façon de m’accompagner et aussi – faut-il l’avouer – de me cacher sur scène. Comme plusieurs autres auteurs-compositeurs, je me suis souvent senti plus à l’aise caché derrière ma guitare. De fait, avant de jouer de la guitare, je ne savais jamais quoi faire de mes mains!

Je venais aussi de découvrir, à la bibliothèque de l’école, un vinyle de Robert Paquette. Son album, Prends celui qui passe, est vite devenu une de mes principales sources d’inspirations, alors que je cherchais à découvrir ma voix d’artiste.

Bon, je grattais donc, seul dans la salle de musique sur l’heure du midi… seul sur le coin de mon lit à la maison le soir. Puis, au bout de quelques heures, j’avais ordonné une série d’accords rudimentaires et trouvé un patron pour mes doigts qui faisait sonner quelques arpèges de base. En suite, je me suis mis à improviser une mélodie, par-dessus la structure harmonique que j’avais établie.

Côté paroles, je me suis inspiré du refrain de « Va au puits » de Robert P. (Robert, toutes mes excuses, et mes hommages!) Il chante : « Pourrais-tu me dire/est-ce que c’est vrai/ou ai-je rêvé? » Cette structure, qui permet de semer le doute chez l’auditeur et de remettre en question la vérité me plaisait beaucoup. C’est devenu le point de départ pour le héros de ma chanson, qui s’interroge à savoir si l’amour qu’il imagine existe uniquement dans sa tête, ou si c’est celle qu’il affectionne partage toute son émotion. À sa base, la chanson porte sur le rapport d’amour rêvé qui existe entre les deux personnages. Un amour qui n’existe qu’au pays des rêves.

Au fil des ans, quand je me suis mis à travailler avec des musiciens du Québec, on m’a aussi fait comprendre que mon titre manquait profondément d’originalité. Je me souviens de ma première répétition avec John McGale (Offenbach), alors qu’on lui a annoncé que la prochaine chanson à monter s’appelait « L’autre soir ». John s’est précipité à chanter « L’autre soir, l’autre soir/J’ai chanté du blues/L’autre soir, l’autre soir/Ça l’a rendue jalouse »… le refrain bien connu de Câline de blues!

Cette chanson occupe tout de même une place toute spéciale dans mon cœur. C’était la première fois qu’une structure conçue à la guitare me servait de squelette pour l’écriture d’une de mes chansons. C’est une façon d’écrire que j’ai souvent repris, depuis.

Aveu du jour: je n’ai aucune espèce d’idée qui est Jody, ni même pourquoi j’ai choisi ce prénom pour le personnage de cette chanson.

Ce que je sais, c’est que je cherchais à raconter l’histoire d’un jeune homme, entouré par des gens qui n’avançaient jamais, qui ne changeaient jamais, qui n’avaient jamais posé les pieds à l’extérieur de leur petit village, mais qui croyaient en savoir long sur la vie.

Et oui, j’écrivais et je chantais aussi bien en anglais qu’en français à l’époque. De fait, avant d’enregistrer mes premières chansons françaises, j’avais déjà complété l’équivalent d’un album de matériel en anglais… Ces chansons restent cachés à jamais, au fond d’une boite dans ma cave! Mon premier album comptait trois chansons en anglais. L’inclusion de chansons dans la langue de la majorité, phénomène assez fréquent de nos jours, m’avait valu une rude récompense à l’époque… Les conseils scolaires m’avaient « black listé »! Moi qui n’a jamais été très controversé, pour autant!