La première de mes chansons écrites à partir d’une série d’accords que j’ai moi-même grattées à la guitare. Il me semble que je ressens encore le bois du banc sur lequel je m’étais installé dans la salle de musique de mon école secondaire, où j’ai passé des heures avant de trouver la structure harmonique de cette chanson.
Je venais de découvrir le fingerpicking… c’était une technique qui me semblait révolutionnaire, et qu’aucun de mes camarades de l’époque ne maitrisait! Cette technique a été la base de mon apprentissage de jeu à la guitare. Je cherchais une façon de m’accompagner et aussi – faut-il l’avouer – de me cacher sur scène. Comme plusieurs autres auteurs-compositeurs, je me suis souvent senti plus à l’aise caché derrière ma guitare. De fait, avant de jouer de la guitare, je ne savais jamais quoi faire de mes mains!
Je venais aussi de découvrir, à la bibliothèque de l’école, un vinyle de Robert Paquette. Son album, Prends celui qui passe, est vite devenu une de mes principales sources d’inspirations, alors que je cherchais à découvrir ma voix d’artiste.
Bon, je grattais donc, seul dans la salle de musique sur l’heure du midi… seul sur le coin de mon lit à la maison le soir. Puis, au bout de quelques heures, j’avais ordonné une série d’accords rudimentaires et trouvé un patron pour mes doigts qui faisait sonner quelques arpèges de base. En suite, je me suis mis à improviser une mélodie, par-dessus la structure harmonique que j’avais établie.
Côté paroles, je me suis inspiré du refrain de « Va au puits » de Robert P. (Robert, toutes mes excuses, et mes hommages!) Il chante : « Pourrais-tu me dire/est-ce que c’est vrai/ou ai-je rêvé? » Cette structure, qui permet de semer le doute chez l’auditeur et de remettre en question la vérité me plaisait beaucoup. C’est devenu le point de départ pour le héros de ma chanson, qui s’interroge à savoir si l’amour qu’il imagine existe uniquement dans sa tête, ou si c’est celle qu’il affectionne partage toute son émotion. À sa base, la chanson porte sur le rapport d’amour rêvé qui existe entre les deux personnages. Un amour qui n’existe qu’au pays des rêves.
Au fil des ans, quand je me suis mis à travailler avec des musiciens du Québec, on m’a aussi fait comprendre que mon titre manquait profondément d’originalité. Je me souviens de ma première répétition avec John McGale (Offenbach), alors qu’on lui a annoncé que la prochaine chanson à monter s’appelait « L’autre soir ». John s’est précipité à chanter « L’autre soir, l’autre soir/J’ai chanté du blues/L’autre soir, l’autre soir/Ça l’a rendue jalouse »… le refrain bien connu de Câline de blues!
Cette chanson occupe tout de même une place toute spéciale dans mon cœur. C’était la première fois qu’une structure conçue à la guitare me servait de squelette pour l’écriture d’une de mes chansons. C’est une façon d’écrire que j’ai souvent repris, depuis.