J’ai 17 ans. Je sais gratter trois accords à la guitare. J’anime une émission hebdomadaire sur les ondes de CFRH, ma radio communautaire. Dans la discothèque de la radio, je tombe par pur hasard sur l’album Symbiose. Dès ma première écoute, c’est le coup de foudre. Deux guitaristes virtuoses. Des voix parfaitement agencées en harmonie. Je fais tourner au moins une chanson de l’album toutes les semaines. Je n’ai aucune idée qui est John McGale.

J’ai 23 ans. Il est 2h du matin. Je suis assis sur un banc de parc derrière une boîte à chanson. Je cherche un nouveau guitariste pour mon band. Je suis censé interviewer un candidat. Toyo-McGale viennent de terminer un show du tonnerre. Deux gars sur scène avec leurs guitares dans un bar où pas mal tout le monde est paqueté. La foule ne s’est jamais assise, tellement c’était une injection d’énergie pure et dure. J’ai la chienne. McGale me pose quelques questions. Me dit qu’il aime ma voix et mes mélodies. Dès notre première rencontre, il me fait rire. Il est étonnement tranquille en tête à tête.

Quelques semaines plus tard, on arrive à Sudbury pour jouer à La Nuit sur l’Étang. Je l’accueille à l’entrée des artistes. Je m’étonne devant la quantité de guitares qu’on sort de sa fourgonnette. C’est comme des clowns qui sortent d’une voiture dans un show de cirque. Il m’en passe une. « Try this one. I think it’ll be a good fit. » Il trouve que ma guitare n’est pas à la hauteur. Je suis d’avis que c’est plutôt mon jeu qui pose problème. Il me prête une de ses guitares, à chaque spectacle, pendant des années, le temps que je puisse économiser pour m’en acheter une qui a de l’allure… qu’il m’aide d’ailleurs à magasiner. Il y a aussi un lapin dans la fourgonnette. Son animal de compagnie… notre mascotte dans la loge. Généreux et tendre de cœur, le rocker.

Nous montons un spectacle en duo. Ses chansons, des chansons d’Offenbach, quelques-unes de mes chansons. On répète dans le salon chez sa blonde (l’appart à John est trop petit et trop bondé de guitares et de gear pour qu’on puisse tous les deux s’asseoir avec nos guitares). Jamais je n’ai travaillé aussi fort pour me préparer pour un show de ma vie. Quand on gratte d’un instrument et qu’on doit se tenir aux côtés d’un des véritables maîtres à l’échelle planétaire dudit instrument, sous les phares, pendant deux heures, ça prend un certain effort pour ne pas avoir d’l’air (trop) fou. Je stresse, je sue, pis je travaille. Il me pousse, me coach, m’encourage… fait preuve de beaucoup de patience… et de rigueur. Exigeant à mon égard et envers lui-même. Il joue comme si sa guitare était un instrument de percussion. Il est un métronome. Inébranlable. Il me donne confiance.

Nous roulons vers un show à Rimouski. Des heures de route à jaser de tout, de rien, de nos familles, de nos blondes, du métier de musicien, à écouter de la musique. Quelque part tout près du nombril de nulle part (village serait trop généreux), on passe devant un magasin de musique. Il fait demi-tour. Stationne. Entrer dans un magasin de musique québécois avec McGale, c’est inoubliable. Le temps s’arrête. Il entre dans la place (où il n’a jamais posé les pieds auparavant) comme Norm dans le bar de Cheers. Les gars derrière le comptoir restent figés. « C’est-tu lui? » « C’est lui. » C’est tout juste si leurs mentons ne touchent pas le sol. Il s’installe dans un coin. Il brette un peu avec une guitare. Ne dit pas grand-chose. Le proprio arrive. « Cherchez-vous de quoi en particulier? » « Allo! J’sais pas, man! Qu’est-ce que vous avez?! » « Attendez, j’ai peut-être quelque chose. » Le proprio disparaît dans le rangement. Il revient quelques minutes plus tard avec un objet rouge flash. John : « Oh Ho! ». Chose rare : Il n’a pas acheté cette journée-là. La van était déjà pleine à craquer.

Il héberge chez moi après une répé, la veille d’un spectacle à Ottawa. Je l’invite à souper. Je lui demande de trancher un quelconque légume… devant son air mystifié, je lui demande : « John… do you know how to cook? »… “Bien oui, Eric, of course. Where’s the cereal?” Nous sortons au resto. Il propose qu’on loue un film en soirée. Je l’entends encore rire à se fendre devant Legally Blonde.

On passait de longues périodes sans se voir, sans se parler, et les retrouvailles étaient toujours aussi joyeuses. Je lui demandais combien de guitares il avait dans sa collection (qui ne cessait de prendre de l’expansion au fil des ans) et on se donnait des nouvelles de nos mères. Je garde le souvenir du gros hug d’ours quand il a enfin rencontré ma Maman, d’ailleurs. Deux branches de ma famille (de sang, de scène) qui convergeaient.

Il savait jouer de tout. Un virtuose hors pair, un créateur prolifique. Certes. Sa musique continuera de nous réconforter. Son talent véritable, il me semble, c’était sa capacité de toucher les gens partout sur son passage. Spectacles de salon, méga festivals ou des milliers de fans hurlent ses refrains, gros rock crotté, folk intime, jazz poussé… Tous les prétextes étaient bons pour faire sourire, rire, vibrer… aller droit au cœur. Il donnait de l’énergie à ceux qui en cherchaient… moi-même inclus. Un talent rare.

Qui de mieux qu’un rocker au cœur tendre pour accompagner un jeune folkie un peu trop sérieux pour son propre bien? Avec lui s’envolent 90% de mes meilleures histoires de tournée!

C’était un grand privilège d’avoir pu cheminer un peu à ses côtés.  

Sincères condoléances à sa mère, toute sa famille, ses proches, la gagne d’Offenbach et les autres membres de la famille musicale. Merci John. Adieu. Bon voyage.

Il y a trois ans, je lançais mon dernier album et mon tout nouveau spectacle à Sudbury. Aujourd’hui, après plus de 25 représentations, une trentaine de demandes de subvention, et environ 10 000 km parcourus en tournée, je suis de retour à Sudbury pour un tout autre projet.

J’entame une résidence qui vise la création d’une nouvelle série de chansons…

J’amorce ma démarche par une recherche au Centre franco-ontarien de folklore, qui ont la gentillesse de m’accueillir et de m’appuyer (Merci!!!). Je connais de loin cet organisme depuis environ une vingtaine d’années. Je me souviens d’avoir rédigé une dissertation sur le Centre, et sur le travail de son fondateur – le père Germain Lemieux – alors que j’étais aux études de premier cycle.

À partir de 1947, le père Lemieux voyage de village en village, de maison en maison pour enregistrer des contes, légendes et chansons passées de génération en génération par les francophones de l’Ontario, du Manitoba, de la Gaspésie. Les legs de son travail (enregistrements, notations de chants, etc.) se trouvent au Centre franco-ontarien de folklore… m’en vais fouiller là-dedans.

Ce projet est né il y a environ un an. En jasant avec un ami enseignant, j’apprends que  ses élèves ne connaissent pas les chansons folkloriques traditionnelles… Ces mêmes chansons qui animaient les rassemblements communautaires de ma mémoire à Perkinsfield, Lafontaine et Penetang. Des chansons passées de génération en génération dans nos familles. Je m’interroge sur la chose… Je suis de la 11e génération de ma famille en Ontario… de la première génération d’hommes de ma famille qui savent lire et écrire notre langue maternelle… de la deuxième génération qui connaît l’anglais… Qu’en est-il de la 12e et de la 13e génération? Rares sont ceux qui arrivent à s’entretenir pendant plus que deux minutes avec moi, ou avec leurs parents, en français. Pas étonnant donc que le lien avec la tradition orale de nos aïeux se soit effrité… Puis, je me souviens du père Lemieux. Je me dis que sa vaste banque de contes, légendes et musiques traditionnelles serait une source riche d’inspiration et que je pourrai m’inspirer des thématiques d’autrefois pour écrire de nouvelles chansons…

Une petite recherche internet indique que le père Lemieux se serait rendu un peu partout dans le Nord de l’Ontario, dont près des camps de bucherons vers la fin des années ’40, souhaitant documenter un patrimoine qui était alors bien vivant. Je fais alors un lien personnel avec ce projet… À cette même époque, mon père – comme plusieurs jeunes de ma région – était monté dans le Nord pour travailler au bois l’hiver… serait-ce possible que leurs chemins se soient croisés? Est-ce qu’une des voix sur les vieilles bobines du père Lemieux me serait familière?

Ma première pleine journée en choo-choo… Premier constat : l’Ontario, c’est gros. C’est loin longtemps. Quand on passe 24 h en train et qu’on est toujours dans sa province d’origine, c’est impressionnant (les Européens que j’ai croisés dans le train capotent!) Deuxième constat : je fais baisser la moyenne d’âge à bord du train par au moins deux décennies… c’est bon pour mon estime de soi! Pourtant, plus on roule, plus j’ai l’impression que ce trajet devrait faire partie du curriculum du secondaire pour tous les élèves du Canada… comme c’est le cas pour le Camino, en Espagne… on gagnerait à mieux connaître notre pays, et toute sa diversité. Troisième constat : J’aime les trains depuis toujours (une de mes premières chansons portait sur un vieillard qui cherchait à retrouver sa jeunesse grâce aux trains…) mais il y a des gens qui sont passionnés des trains!

Dans le char d’observation, je jase avec un monsieur qui a fait ce voyage pancanadien à au moins 40 reprises, et qui vient de terminer son 20e voyage en train jusqu’à Churchill, pour y voir les ours polaires! Un autre monsieur qui est une encyclopédie vivante de l’histoire du chemin de fer au Canada. (Il n’arrête pas de raconter l’histoire de CN et de CP, pendant 6 heures de temps!

Je passe ma soirée à suivre le dénouement de la journée… la brunante, le coucher du soleil, la levée des étoiles… genre de chose que je prenais pour acquis en grandissant, qui permet de renouer avec le cycle naturel de la vie, et que je ne prends plus jamais le temps de faire… Ça fait du bien.

Quelques photos prises entre Longlac, Nikina, Poilu et Sioux Lookout… Y a des lacs partout! Prochaine étape, je me réveille à Winnipeg! Petit déjeuner aux Fourches! Amis du Manitoba, on se donne rendez-vous où???!

Le train qui m’apportera jusqu’en Alberta se fait attendre. Nous finissons par embarquer peu après minuit. Je m’installe dans la petite cabine qui sera mon bureau, et ma chambre à coucher pour les trois prochains jours, après à changer ma chaise en lit (c’est comme un Transformer énorme et étonnement confortable) puis je pars à la découverte du train. Toilettes, douches, lounge, char d’observation. Je prends place avec une poignée de couche-tard dans ce wagon muni d’un dôme de vitre… drôlement divertissant, même au plein milieu de la nuit, puisqu’il nous permet de pleinement profiter de la Tour CN illuminée, et des lumières de Toronto qui nous entourent.

Je trouve mon lit vers 2h30… un lit vraiment douillet et je prends rapidement l’habitude de dormir tout en roulant dans la nuit. Vers 7h, j’entends l’équipage qui se déplace et les lève-tôt qui se dirigent (alors que je reste bien emmitouflé dans mon lit-nid) vers le wagon de restauration pour déjeuner. Plus tard, je m’amuse à jaser avec un couple de retraités britanniques qui m’offrent leurs conseils pour mieux traverser la Malaysie en train (ce que je compte faire dans quelques semaines) et qui sont allé un peu plus loin (en bateau parait-il) au cœur de la Patagonie que moi… Ils m’endurent pendant que je me remémore une traversée du désert Argentin qui devait durer 2h, et qui en a duré 15… de doux souvenirs! Parmi les découvertes de cette première nuit-journée à traverser le pays : comment soulever son lit de sorte à pouvoir accéder à la toilette au plein milieu de la nuit, sans tomber dans le couloir; comment; comment prendre une douche pendant que le conducteur s’amuse à ziger, zager puis freiner, là encore sans tomber dans le couloir; comment siroter un thé dans le wagon d’observation sans le renverser sur mon t-shirt Totorro préféré…

Je prends plaisir à revoir les forêts du nord de l’Ontario sous un autre angle… une belle première journée en amont de la tournée Chemin chez nous. Amis de l’Ouest, m’en viens!

Je suis vraiment très heureux de partir en tournée dans le réseau Home routes – Chemin chez nous en Saskatchewan et en Alberta, dès le début avril! Merci d’avance à tous ceux et toutes celles qui m’accueilleront sur mon passage!!

Plus de deux ans après le lancement de mon dernier album, il me semble que cette tournée – on ne peut plus intime – sera une belle façon de boucler l’aventure Le temps d’être heureux.

Ado, j’ai eu la piqure de la musique en assistant à des spectacles intimes dans le club folk à Midland, là où j’ai grandi. En l’espace de 4 ans, alors que j’apprenais moi-même à gratter de la guitare et que j’écrivais mes toutes premières chansons, j’ai assisté à des spectacles de Robert Paquette, James Keelaghan, Don Ross, Fred Eaglesmith et Stephen Fearing… Autant de vrais troubadours, qui partaient sur les routes du Canada raconter leurs histoires en chanson. Ils avaient leur guitare, et plein de choses à dire. Ce fut une période déterminante pour moi, alors chansonnier en herbe. Bien heureux donc de partir pour cette tournée solo, à la rencontre de mes cousins de l’Ouest canadien.

À bientôt, et merci de m’inviter chez vous!

Éric Dubeau lance : Une lettre de mon père

Un vidéoclip intime, émouvant et révélateur de la réalité rurale

Ottawa, le 26 octobre 2016

Éric Dubeau lance aujourd’hui le vidéoclip d’Une lettre de mon père, une pièce à la fois personnelle, émouvante, et où transparait toute la réalité des communautés rurales en Ontario ou ailleurs au Canada.

Une Lettre de mon père, la chanson

Éric Dubeau nous amène à contempler le nouveau visage du village qui l’a vu naître.

À travers les yeux et la plume de son père, qui lui dépeint la réalité actuelle du lieu où il a grandi, on plonge dès les premiers mots dans l’intimité de l’auteur-compositeur-interprète. Entre un récit rempli d’authenticité et de nostalgie, et une mélodie qui évoque les souvenirs et bons moments vécus, on se laisse rapidement transporter par le refrain émouvant et la poésie du texte.

Dépeuplement des petites communautés

Villages qui se vident peu à peu, écoles qui ferment et paysages d’enfance qui disparaissent… C’est aussi toute la réalité de l’exode rural, qu’évoque le vidéoclip de la chanson Une lettre de mon père. Si le Canada était principalement rural il y a quelques décennies encore, beaucoup de communautés sont aujourd’hui confrontées à de véritables changements de décor.

Il y a bien sûr un aspect très personnel dans cette chanson, j’évoque les lieux où j’ai grandi et qui n’existent, aujourd’hui, que dans mes souvenirs d’enfance. Qu’on vienne de Perkinsfield, du grand Nord, d’un petit village du Manitoba ou de la Saskatchewan, c’est une réalité à laquelle on est souvent confronté quand on retourne chez soi”, confie Éric Dubeau.

La réalisation et le tournage du vidéoclip


Tourné à Perkinsfield, à la croisée des chemins du village où jouait l’artiste quand il était enfant et sur les rives la Baie où il a appris à nager, le vidéoclip dresse un portrait où l’authenticité et la simplicité des plans mettent en lumière le récit et absorbent le spectateur. On ressent aisément la sensibilité et la nostalgie qui se dégagent de la pièce musicale. À travers le rythme des images, Raphaëlle Mercier, à la réalisation, porte un regard aussi poétique que les mots choisis par l’auteur-compositeur-interprète.

Une lettre de mon père sur Youtube, sur Viméo

Éric Dubeau sera en spectacle à Sudbury le samedi 29 octobre, au Collège Boréal, à Sudbury.

www.ericdubeau.com

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Je suis tellement fier d’avoir eu l’occasion de participer en tant que formateur et artiste invité à l’édition 2016 de Rond Point.

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J’ai fait la finale de ce qui s’appelait alors Ontario Pop à deux reprises, quand j’avais 17 et 18 ans. Nous étions 8 finalistes à l’époque, dans le cadre d’un événement produit avec beaucoup de pompe (et un budget qui a dû être hallucinant) dans la grande salle du CNA. Deux semaines de formation et de mentorat avec des artistes chevronnées comme Laurence Jalbert, Daniel Lavoie, Robert Paquette, Gaston Mandeville, Claire Duguay, Hélène Ouellette, Micheline Scott, Luc Gilbert (responsable des arrangements de Hélène de Roch Voisine) et Christian Dente – un grand metteur en scène français, spécialisé en chanson et un des fondateurs de la Manufacture Chanson à Paris. J’ignore combien d’employés de la SRC travaillaient alors sur cette production, mais je sais que depuis, une fois ou deux par année, je croise un tec de son ou un caméraman qui m’en parle encore. Ces deux cuvées d’Ontario Pop étaient bourrées de talent… Danielle Aubut, Léonard Constant, Annie Berthiaume, Marc Beaulieu, Véronic Dicaire, François Labelle… tous ont fait carrière en chanson. À l’époque, nous étions en mode focus pour le spectacle de la finale. L’événement avait un aspect compétitif qui nous rendait anxieux… aujourd’hui, ça me semble artificiel, et contraire aux réalités de la confrérie de la musique.

Pas de compétition cette année. Juste un groupe de jeunes gens brillants, bourrés de talent et de rêves. J’ai eu l’occasion de les accompagner par une série d’ateliers d’écriture. On s’est rencontré en tête à tête pour parler de leur pratique artistique et pour approfondir sur quelques-unes de leurs chansons. C’était un réel privilège d’échanger avec chacun et chacune. C’était aussi super le fun de les voir monter sur les planches et vivre le trip d’un spectacle collectif. Mon conseil pour le public franco-ontarien? Souvenez-vous des Solliloques, de Brandon Girouard, de Kimya et de Roxanne Dubé. Je nous souhaite de les revoir sur scène et d’entendre leurs chansons à la radio pendant des années. LancementRondPoint_p_038

Pour ma part, j’avoue, c’était aussi un véritable plaisir de monter sur la scénette et d’offrir un show avec Dubo band en fin de soirée.

On a tripé de pouvoir, enfin, partager ce spectacle avec les gens d’Ottawa. J’étais fier, aussi, que le Band – mes monstres musicaux préférés – prenne le temps de rendre hommage à Prince, pendant ce spectacle. Je devine que cette soirée sera mémorable pour plusieurs de ceux qui étaient dans la salle comble à La Nouvelle Scène, aussi bien que pour moi. Merci à Shawn Sasyniuk, Sarah Bradley, Scott Aultman, Eric Treleaven et Sam Depatie d’accepter de faire de la musique avec moi encore une fois. (Et un gros merci à Joel Ducharme pour ses belles photos des cette belle soirée!)LancementRondPoint_071

J’avais 16 ans. Je roulais, passager dans une Toyota Tercel rouge avec plus de 300 000 km à l’odomètre, vers ma première session d’enregistrement. Nous avancions vers Stoney Creek, Highland Studios, là où Lanoie enregistrait souvent, et où Sarah MacLaughlin venait de terminer une session. Mon chauffeur était mon réalisateur, et aussi mon prof de musique à l’école secondaire Le Caron, Neil Lefaive. Neil a accompagné et réalisé toute une trollé d’artistes franco-ontariens au fil des ans, et tout comme En bref, les Chaises Musicales, et Damien Robitaille, je lui dois mes débuts dans le milieu professionnel de la chanson. Nous roulions dans la nuit à toute vitesse (Neil avait le pied un peu pesant). Pour nous rendre à Stoney Creek, nous avons traversé Hamilton, et sommes passés par Hamilton Mountain. C’est là, en voyant les lumières de cette ville ouvrière qui s’étalaient devant moi, en roulant vers un avenir incertain, mais prometteur, que l’image au cœur de cette chanson m’est venue pour la première fois.

Cette chanson a été porteuse pour moi à plusieurs égards. Nous l’avons enregistrée – chez Brent Robitaille – alors que je débutais mes études universitaires. L’enregistrement figurait sur l’album compilation Pleine Lune, qui s’est largement vendue en Ontario, et qui a beaucoup été diffusé en milieu scolaire. L’APCM, distributeur de cette compilation, avait produit un cahier pédagogique en appui au disque, réalisé par l’artiste-éducateur talentueux François Viau. Des centaines d’enseignants ont intégré cet outil à leurs plans de cours et ainsi, des élèves partout en province ont entendu ma petite chanson et complété le mot croisé qui servait d’appui éducatif.

Ce dont je me souviens le plus de cette chanson, c’est d’avoir complété l’enregistrement d’une version à toute vitesse, afin de respecter la date butoir pour la soumission des pistes pour l’album compilation. Compte tenu des délais, nous n’avions pas le temps d’entrer dans un « vrai » studio pour enregistrer la pièce. Nous avons donc ajouté des pistes vocales et de violoncelle à une base instrumentale que nous avions déjà en main… Pour ce faire, vu le petit studio improvisé auquel nous avions alors accès, je devais me tenir à l’extérieur de la maison, tout prêt de la fenêtre du studio, pour chanter dehors en même temps que le guitariste enregistrait sa piste à l’intérieur. Je me souviens qu’il faisait froid à Penetang, ce soir-là.

Depuis plusieurs années, c’est la chanson qui termine mes spectacles. J’aime bien terminer la soirée en partageant avec le public ce rêve né dès mes touts débuts…

Le samedi matin, tout au long de mon adolescence, je jouais aux quilles. C’était ma sortie « sportive » et sociale hebdomadaire. Derrière la salle de quilles se trouvaient un centre d’employabilité, un Tim Horton’s, une boutique porno et les pistes de l’ancienne voie ferrée. Autrefois, celle-ci liait le port de Midland aux usines de Toronto. Un jour, ayant terminé ma sortie sociale habituelle, j’ai remarqué une pile de pierres tout près de la voie ferrée. Des entrepreneurs anonymes allaient bientôt initier un nouveau projet de construction quelconque. Avant de débuter, ils avaient empilé du gravier. La petite montagne faisait peut-être 40 ou 50 pieds de hauteur. C’est l’image à l’origine de cette chanson. Une montagne de pierres qu’on ne pourrait transporter, puisque le train qui servait de connexion entre ce village et le monde extérieur ne passe plus.

Dans ma tête, cette image témoignait de ce qui advient aux endroits et aux gens qui sont délaissés et dépassés par le temps. Ce que d’autres percevraient comme étant le « progrès ». Dans cette chanson, un vieillard qui – lorsqu’il était enfant – courrait le long des trains rêve de retrouver l’énergie et la liberté de sa jeunesse. Cette chanson me rappelle la Louisiane, curieusement. J’ai fait une petite tournée en Louisiane il y a quelques années. On jouait dans un bar cajun, le réputé Randol’s à Lafayette. Je venais de vivre ma première aventure avec des crawfish. On avait emprunté le kit de batterie du Jambalaya Cajun Band. Mon guitariste de l’époque aurait souhaité qu’on joue une balade écrite pour une fille de Barrie qui ne s’intéressait pas du tout à moi! Bien qu’il avait certainement raison qu’une chanson en français aurait bien passée auprès de nos cousins cajuns, je voulais une toune qui permettait de garder l’énergie qui remplissait la place. Je garde encore le souvenir de cette salle pleine à craquer, où tout le monde dansait sur une de mes chansons! Ce fut une excellente soirée de fête, et nul doute que jeunes et moins jeunes en sont sorties avec un renouveau d’énergie! Ce fut certainement le cas pour moi et les gars du band!

Je travaillais avec mon ami Brent Robitaille depuis un certain temps déjà et il m’accompagnait souvent lors de spectacles partout en Ontario. Brent est non seulement un guitariste virtuose, mais aussi un compositeur de formation classique extrêmement prolifique. À cette époque, j’avais déjà enregistré plusieurs pièces, et avait lancé mon premier EP (sur K7… j’suis vieux de même!), mais n’avais pas encore lancé d’album.

J’écrivais continuellement. De fait, avant d’enregistrer mes premières compositions en français, j’avais déjà terminé l’écriture de tout un album en anglais. Toutefois, bien que ma vie d’ado générait des ballades mélancoliques en quantité industrielle, mon répertoire comptait peu de chansons qui feraient lever une foule. Brent me proposa de signer des textes sur quelques-unes de ses musiques. Tellement de gens marquaient une première tentative en ce sens. Il avait conçu une structure harmonique, enregistré à l’aide d’un petit studio maison. J’ai écouté l’enregistrement de cette progression d’accords à des milliers de reprises pour inventer une mélodie et pondre des paroles… en anglais! Au premier jet, cette chanson s’appelait « Searching for Love ».

J’arrivais de ma première participation à la finale d’Ontario Pop. Les finalistes, venus de partout en Ontario se rendaient à Ottawa pour deux semaines de formation suivie d’un spectacle collectif au Centre National des Arts. Moi qui avais à peine 16 ans, et qui étais à peine sortit de mon village natal auparavant, voilà que je me suis trouvé logé au Lord Elgin, un hôtel chic au plein centre-ville de la capitale. Il y avait plus de gens sur mon étage de l’hôtel que dans tout mon petit village de Perkinsfield.

Ma participation à ce concours m’a permis de rencontrer Gaston Mandeville et de partager une scène avec Laurence Jalbert… Le tout généreusement financé par la Société Radio-Canada. À mon arrivée à Ottawa, la SRC me remet un chèque qui devait couvrir mes per diem pendant les deux prochaines semaines. Petit cul que j’étais, je n’avais même pas de compte en banque – sinon celui au nom de ma mère, à la Caisse Populaire de Perkinsfield. Je n’ai donc pas pu déposer le chèque avant une semaine plus tard. Heureusement que mes co-finalistes ont eu pitié du cadet de la cohorte. Sinon, je n’aurais pas toughé 48 heures.) Bref, une expérience pleine de premières, et riche d’apprentissages.

Ce voyage marquait aussi ma première rencontre avec des mendiants. En milieu rural, on connaissait la pauvreté, mais jamais on n’aurait imaginé que des gens soient obligés de dormir dehors, ou de subir la faim au quotidien. C’est à mon arrivée au CNA, le premier jour des répétitions pour notre spectacle collectif, qu’un colporteur me demanda de l’aide pour la première fois. Je me suis vidé les poches. Sans le savoir, il m’avait fourni la base d’une chanson que j’aime encore, malgré tous ses défauts.