Je passe la nuit dans une tente, derrière le bar/refuge Orisson. Il y a quelques jours, je n’arrivais pas à réserver une place quelconque, et je craignais devoir me taper l’ensemble des Pyrénées d’une seule shot! Une tente, c’est du luxe. J’éparpille mes choses partout et je dors sans colloque! Les occasions de le faire seront rares sur mon parcours.
Je me lève avant le soleil. Les étoiles qui forment Orion sont immenses dans le ciel de nuit de montagne. Un petit déjeuner modeste et rapide et je prend la route à temps pour voir le soleil grimper, comme moi, par-dessus les Pyrénées. La montée est rude. Contrairement aux ouïes dires, ce n’est pas que le premier km qui est à la montée, ce sont les 15 premiers km. La pente est légèrement moins brusque qu’hier, en moyenne. À 2km d’Orisson, les péllerins partagent la route avec deux vaches, et leurs maîtres, qui déplacent leur bétail d’un champ à l’autre.
Un peu plus haut, je m’affronte à mon premier embouteillage Basque: un troupeau de brebis traversent la route alors qu’arrivent aussi des péllerins et deux autos. Et qui a le premier droit de passage? Mais les brebis, bien sur.
En hauteur, dans la tranquillité de la levée du jour, et dans nos moments de découragement devant la montée incessante, les troupeaux nous accueillent. On entend leur clochettes qui sonnent sur la montagne, puis du coup, elles nous entourent.
On arrive devant la vierge d’Orisson, d’abord. Un moment de répit sur la montagne. Puis, on poursuit notre montée sur le chemin jusqu’à ce qu’on se trouve devant la pierre d’un péllerin français mort sur la route. Après, la route devient un sentier de terre, et un sentier qui prend la pire et la plus rude pente des deux derniers jours. Je me dis que ce n’est pas possible, mais la montagne insiste.
Jusqu’au col de Leopoder, la montagne est sans pitié. Puis, je m’arrête pour dévorer le sandwich qui me servira de lunch, en regardant la descente qui m’attend. Après 23km de montée maniaque, c’est une descente débile qui nous attend. 500 mètres en 2.5 km.
C’est tout un autre groupe de muscles qui s’activent et qui se révoltent! Tout le monde a les genoux qui tremblent! Tous s’entendent que la décente est encore pire que la montée. Puis, comble de l’injure, après presque 2 km de décente, qu’est-ce qui nous attend? Une côte. Une petite dernière. J’entends sacrer dans 4 langues, dont trois que je ne connais pas.
Après deux jours de rudes épreuves (je vous épargne l’arraignée gigantesque qui s’est posée sur mon sac à mon insu pendant mon lunch, et les plus grandes sangsues de l’histoire de l’humanité) j’arrive à Roncesvalles. Deux jours de suite, j’aurai poussé mon corps bien au-delà des limites des quelques 38 dernières années. Il a répondu à l’appel. Mes hanches et mes épaules me maudissent (j’ai baptisé mon sac à dos « The Big Blue B$&@! »), mais le pire, et les Pyrénées sont désormais derrière moi.